Didier Lockwood parle aux enseignants
Didier Lockwood vient de tenir son public en haleine pendant deux
heures. Non pas un violon sous le menton, mais un micro à la main.
Invité de l’université d’automne du SNUipp-FSU, à Port-Leucate, le
musicien est venu parler d’un sujet qui lui tient à cœur : la place de
l’histoire des arts dans l’apprentissage à l’école.
"Les cours doivent s’appuyer sur des représentations plus
émotionnelles", résume d’emblée le vice-président du Haut conseil de
l’éducation artistique et culturelle. En 2008, le violoniste a
d’ailleurs obtenu que la démarche s’inscrive dans les programmes
scolaires... en théorie.
Convaincu, le jazzman n’en oublie pas que la route est encore longue,
avant que "les références utilisées par les enseignants soient plus de
l’ordre du sensible, que de l’apprentissage par cœur". Même si "des
avancées" sont perceptibles, l’heure de la révolution dans la manière
d’enseigner n’a pas encore sonné. Didier Lockwood le voit bien.
Bon nombre de professeurs ne perçoivent pas encore le rapport qu’il peut
exister entre les arts et la matière dont ils sont spécialistes,
surtout dans le second degré. Or ces passerelles peuvent tout
simplement, d’après lui, être dénichées sur internet ! "Si vous
travaillez en géométrie, sur Pythagore, vous pouvez très bien vous
appuyer sur le système des harmoniques. En histoire, les références en
musiques sont nombreuses, au fil des siècles. Ou encore, un prof
d’anglais peut étudier un morceau des Beatles..."
Les enseignants doivent, selon lui, se sortir de ce carcan qui veut que
"l’éducation se conforme à la loi dictée". Un sacrilège pour celui qui a
fait de l’improvisation une nouvelle manière d’enseigner la musique, il
y a une trentaine d’années, et qui continue à penser qu’elle est
"primordiale" pour le développement de l’enfant.
"Savoir improviser, c’est savoir vivre. Anticiper, régler un problème...
On y fait face dans notre vie à chaque instant. Pourtant, tout ce qu’on
génère est de l’écrit, du formatage. Le plus frustrant, pour un enfant,
est de ne pouvoir palier une situation".
Didier Lockwood plaide pour une autre façon de penser, décortique avec
grand intérêt le mouvement des Indignés. Se doutant bien que "d’ici peu,
on ne (le) laissera plus parler" aussi librement qu’il ne le fait,
encore aujourd’hui. Alors si le vice-président du Haut conseil de
l’éducation artistique et culturelle peut encore donner un conseil aux
enseignants, c’est de "résister et de développer sa part artistique et
créative". Et de délivrer un message de confiance aux enfants, leur
rappelant que "chacun est unique, même si tous ont la même paire de
baskets. L’enfant doit être mis en confiance sur le fait que l’on n’est
pas l’autre. C’est seulement comme cela que l’on se réalise, dans la vie
: en sachant regarder ailleurs, et en avançant".