mercredi 28 décembre 2011

Débat : "Eduquer au XXIe siècle : quelques pistes de réflexion"

source : agoravox.fr


Eduquer au XXIe siècle : quelques pistes de réflexion

 

Des rapports réguliers mettent à jour une baisse régulière du niveau scolaire des élèves en primaire et en secondaire. Quelle est en réalité la grille de lecture permettant de faire ce constat ?

Si on devait comparer les humanités de l’élite française ayant atteint le Baccalauréat et celle de l’éducation de masse, effectivement le trou semble béant. A cette époque, un élève se devait maîtriser le latin et le grec au point d’en rédiger une dissertation. Par contre l’attrait pour les disciplines scientifiques était considéré encore comme une étrangeté.

Aujourd’hui, nous assistons au phénomène inverse : les mathématiques doit être le pôle d’excellence pour tous ceux qui prétendent faire partie de l’élite de demain.

Cependant, l’enseignement d’aujourd’hui est une responsabilité collective, une affaire de tous : beaucoup trop d’acteurs et de facteurs sociologiques rentrent en jeu.

La société actuelle n’est plus celle d’hier n’en déplaisent aux nostalgiques de l’école républicaine d’avant 68.

Il est temps de penser aux valeurs éthiques fondamentales que nous voulons véritablement apporter à nos enfants pour demain dans un monde toujours plus complexe et multiculturel. 

L’école reflète l’état de la société dans laquelle nous sommes ; éclatement des classes sociologiques, culte à l’individualisme, précarité culturelle d’une partie de la population, confrontations d’idéologies de tout bord, consumérisme abêtissant, émergence de la violence sociétale etc… Les enfants sont actuellement surinformés par nos médias, beaucoup plus que nos générations antérieures. Est-ce un bien ou un mal ?

Ajoutez à tous ces facteurs antagonistes, la difficulté de réformer une institution centralisée et de taille gigantesque. Que penser d’une école dont la fabrique de nos futurs citoyens est promise pour une part croissante d’entre eux au chômage et à l’absence de perspectives symboliques tel que la quête humaniste ou spirituelle ? 

D’autre part, il faut composer avec les parents qui désirent que leur progéniture devienne des petits génies et c’est bien là le problème ; c’est une projection de phantasme collectif narcissique qui demande toujours plus d’exigences au corps enseignant.

La faculté d’apprentissage et de réflexions dépend également du parcours individuel et historique de chaque élève : l’éveil de la curiosité intellectuelle ou créative dépend aussi de la rencontre alchimique entre l’élève et celui qui dispense le savoir que ce soit un enseignant, un parent ou autre connaissance. 

L’apport de l’informatique dans les écoles avec tous ses perfectionnements ne saura remplacer totalement la place de l’adulte enseignant. En effet il faut un corps enseignant en chair et en os pour l’apprentissage de l’altérité. L’altérité s’apprend a travers les valeurs de celui qui enseigne mais aussi par l’altérité diverse des élèves, témoins de l’évolution de notre société avec ses contradictions.

Le choix d’un programme scolaire n’est par fortuit et inscrit dans le marbre :
Elle résulte d’un choix politique : Quel place, dans un emploi du temps surchargé, faut-il accorder aux sciences exactes, aux sciences humaines, à la littérature, aux arts, aux cultures passées et contemporaines ?

Faut-il adopter une pédagogie différenciée ou la dispenser par un socle commun et égalitariste ?
Le rapport de Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, manque notablement d’envergure pour les enjeux du XXI siècle.

Le débat entre l’école publique et l’école privée semble stérile en ce sens que d’un point académique, elles donnent globalement des résultats scolaires similaires à la fin du cycle secondaire.

L’école doit être une source de réalisation des qualités potentielles des élèves et non un instrument utilitariste propre à satisfaire un électorat mouvant ou à formater trop tôt les esprits dans une profession dont nul ne connaît à l’avance les mutations possibles.

L’économie de la connaissance qui va émerger en ce siècle nécessite des têtes bien faite ayant un sens critique aiguë plutôt qu’une tête bien pleine condamnée à l’obsolescence.

La science de l’éducation est par nature pluridisciplinaire et devrait apporter un éclairage plus médiatique pour chaque citoyen afin comprendre les enjeux de civilisation qu’il en résulte.


Références :
par Michel Serres, de l'Académie française

Rapport - Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, maire de Niederbronn-les-Bains - Rapport à monsieur le Premier ministre - septembre 2010.


Réforme de la pensée et éducation au XXIe siècle, par Edgar Morin