Eduquer au XXIe siècle : quelques pistes de réflexion
Des rapports réguliers mettent à jour une baisse régulière du niveau
scolaire des élèves en primaire et en secondaire. Quelle est en réalité
la grille de lecture permettant de faire ce constat ?
Si on devait comparer les humanités de l’élite française ayant
atteint le Baccalauréat et celle de l’éducation de masse, effectivement
le trou semble béant. A cette époque, un élève se devait maîtriser le
latin et le grec au point d’en rédiger une dissertation. Par contre
l’attrait pour les disciplines scientifiques était considéré encore
comme une étrangeté.
Aujourd’hui, nous assistons au phénomène inverse : les mathématiques
doit être le pôle d’excellence pour tous ceux qui prétendent faire
partie de l’élite de demain.
Cependant, l’enseignement d’aujourd’hui est une responsabilité
collective, une affaire de tous : beaucoup trop d’acteurs et de facteurs
sociologiques rentrent en jeu.
La société actuelle n’est plus celle d’hier n’en déplaisent aux nostalgiques de l’école républicaine d’avant 68.
Il est temps de penser aux valeurs éthiques fondamentales que nous
voulons véritablement apporter à nos enfants pour demain dans un monde
toujours plus complexe et multiculturel.
L’école reflète l’état de la société dans laquelle nous sommes ;
éclatement des classes sociologiques, culte à l’individualisme,
précarité culturelle d’une partie de la population, confrontations
d’idéologies de tout bord, consumérisme abêtissant, émergence de la
violence sociétale etc… Les enfants sont actuellement surinformés par
nos médias, beaucoup plus que nos générations antérieures. Est-ce un
bien ou un mal ?
Ajoutez à tous ces facteurs antagonistes, la difficulté de réformer
une institution centralisée et de taille gigantesque. Que penser d’une
école dont la fabrique de nos futurs citoyens est promise pour une part
croissante d’entre eux au chômage et à l’absence de perspectives
symboliques tel que la quête humaniste ou spirituelle ?
D’autre part, il faut composer avec les parents qui désirent que
leur progéniture devienne des petits génies et c’est bien là le
problème ; c’est une projection de phantasme collectif narcissique qui
demande toujours plus d’exigences au corps enseignant.
La faculté d’apprentissage et de réflexions dépend également du
parcours individuel et historique de chaque élève : l’éveil de la
curiosité intellectuelle ou créative dépend aussi de la rencontre
alchimique entre l’élève et celui qui dispense le savoir que ce soit un
enseignant, un parent ou autre connaissance.
L’apport de l’informatique dans les écoles avec tous ses
perfectionnements ne saura remplacer totalement la place de l’adulte
enseignant. En effet il faut un corps enseignant en chair et en os pour
l’apprentissage de l’altérité. L’altérité s’apprend a travers les
valeurs de celui qui enseigne mais aussi par l’altérité diverse des
élèves, témoins de l’évolution de notre société avec ses contradictions.
Le choix d’un programme scolaire n’est par fortuit et inscrit dans le marbre :
Elle résulte d’un choix politique : Quel place, dans un emploi du
temps surchargé, faut-il accorder aux sciences exactes, aux sciences
humaines, à la littérature, aux arts, aux cultures passées et
contemporaines ?
Faut-il adopter une pédagogie différenciée ou la dispenser par un socle commun et égalitariste ?
Le rapport de Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, manque notablement d’envergure pour les enjeux du XXI siècle.
Le débat entre l’école publique et l’école privée semble stérile en
ce sens que d’un point académique, elles donnent globalement des
résultats scolaires similaires à la fin du cycle secondaire.
L’école doit être une source de réalisation des qualités
potentielles des élèves et non un instrument utilitariste propre à
satisfaire un électorat mouvant ou à formater trop tôt les esprits dans
une profession dont nul ne connaît à l’avance les mutations possibles.
L’économie de la connaissance qui va émerger en ce siècle nécessite des têtes bien faite ayant un sens critique aiguë plutôt qu’une tête bien pleine condamnée à l’obsolescence.
La science de l’éducation est par nature pluridisciplinaire et
devrait apporter un éclairage plus médiatique pour chaque citoyen afin
comprendre les enjeux de civilisation qu’il en résulte.
Références :
par Michel Serres, de l'Académie française
Rapport - Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin, maire de
Niederbronn-les-Bains - Rapport à monsieur le Premier ministre -
septembre 2010.
Réforme de la pensée et éducation au XXIe siècle, par Edgar Morin